Licoeur

Un licoeur est un livre aux petits cœurs annotés en marge

 

C’est parce que mes filles ne comprenaient rien à ma vie, assez bizarre, que j’ai écrit La Folvie. Plus tard, un beau jour de 2018, à la sortie d’une remise de prix, dans une discussion avec une inconnue, j’ai évoqué mes rencontres avec le Ku-klux Klan, Malcom X et John Kennedy et cette scientifique m’a demandé de lire ce que j’avais écrit sur ce sujet. Peu convaincu, car ces textes étaient destinés à mes enfants voire à mes petits enfants, je lui ai envoyé quelques pages américaines et le lendemain elle m’étonnait en me communiquant son intérêt enthousiaste. Elle expliquait même, qu’elle avait mis des petits cœurs en marge de ce qu’elle lisait et devant ma surprise elle avait ajouté que c’était la première fois de sa vie qu’elle le faisait !

Elle insistait d’ailleurs pour lire la suite. Cette personne est Hélène Ormières et son nom figure en 4ème de couverture du livre. Tout aussi étrange, mon éditeur David Reinharc a envoyé avant impression à sa mère le texte qu’il allait éditer. Elle aussi a mis des petits cœurs pour la première fois de sa vie.

Je crois aux signes du destin.

J’ai pensé alors que ces petits cœurs spontanés et inhabituels avaient une réelle importance. Le livre n’est plus un dialogue entre l’auteure ou l’auteur et la lectrice ou le lecteur, car ces coeurs jouent un véritable rôle. Par conséquent il était bon de les placer aussi au même titre que les mots et les photos.

Car enfin lire un licoeur permet d’approcher l’ouvrage de plusieurs façons et découvrir ainsi non seulement la personnalité de l’auteure ou de l’auteur mais également celle de la letcoeure, ou du letcoeur, surtout si l’on n’est pas d’accord avec les appréciations. Ce n’est plus un dialogue mais davantage une conversation à trois, entre des initiés ou des complices.


 Explications

Qui n’a pas annoté un ouvrage en cours de lecture, soit pour apprécier, soit pour se souvenir de la phrase importante ? Mais, sauf erreur de ma part, jamais depuis que les livres ont été imprimés, ils n’ont comporté de petits coeurs avant l’impression.

En littérature il existe des prix accordés par des non-professionnels comme le prix des lycéens, ce qui montre que le public est important et n’est pas forcément d’accord avec les critiques. Mais les petits cœurs ne remplacent ni la préface ni les critiques.

Mais jamais un livre n’a été imprimé avec des annotations. Pourtant maintenant quand un film sort, on voit les étoiles qui ont été données par les critiques mais aussi celles des spectateurs. Et ceci est utile sain et sain.

Mais alors de quoi s’agit-il ? Qu’est ce réellement qu’un licoeur ?


 Conditions

Ne peut être un licoeur qu’un livre ayant été spontanément annoté par une lectrice ou un lecteur, sans que celle-ci ou celui-ci n’ait été rétribué pour le faire et sans qu’il n’existe quelque intérêt économique particulier avec l’auteur ou l’éditeur. Plus les petits cœurs sont annotés par un ou une inconnue plus les petits coeur sont crédibles ou significatifs.

L’ouvrage devra être annoté avant impression pour pouvoir comporter des petits cœurs définitifs. Le nom et les qualités de la letcoeure ou du letcoeur doivent faire partie intégrante de la couverture de l’ouvrage

Dans quels cas et comment les petits cœurs sont–ils annotés ?

La liberté

La letcoeure ou le letcoeur mettent des petits cœurs en marge des pages au fur et à mesure de la lecture sans aucun autre principe directeur que celui d’apprécier plus ou moins les phrases ou les photos.

L’appréciation

Le nombre des petits cœurs en marge montre l’importance de l’appréciation, elle va de 1 à 4 petits cœurs. Davantage ne serait pas crédible, quoique ? Mais selon Talleyrand « Toute ce qui est exagéré est négligeable »

Quand la lecture ne procure ni émotion ni appréciation particulière, rien n’est annoté. Comme le soulignait le grand critique, professeur aux Beaux-Arts, André Charles Rousseau « l’appréciation doit être faite à la grecque ou elle est laudative ou elle n’est pas »


L’unicité

L’unicité de l’origine des petits cœurs est obligatoire. On ne peut pas imaginer deux ou trois signataires différents des petits cœurs car la discordance pourrait apparaitre et il ne s’agirait plus d’une conversation à 3 mais d’un forum. Restons simple et pratique.

L’utilité

Le choix est facilité. Quand on entre dans une librairie sans but précis, on ouvre un livre parce que le titre ou la couverture vous attire, puis on le feuillette et on lit quelques phrases. S’il y a des photos, on parcourt davantage. Enfin, s’il y des petits cœurs on lit la phrase qui sert de justificatif.

Le livre n’est plus austère, il devient un objet de discussion. Il est désacralisé. C’est la raison pour laquelle ce n’est plus un livre mais un licoeur...

Alain Husson-Dumoutier

Artiste de l’UNESCO pour la Paix