S’impose une autre photo : celle que je préfère. Je dois avoir plus de deux ans, je suis accroupi, vêtu d’une barboteuse, collé à mon frère Daniel assis à côté de moi. Nous sommes dans l’allée sableuse des Brugaces, villa que nous habitions à Sainte-Maxime. J’ai le visage levé vers l’objectif et le ciel. Je suis blond et blanc. Mon frère est très brun, il caresse le chat, qui est paisiblement assis entre nous. Est-ce le bonheur ? Suis-je conscient que nous allons être séparés avec mon air sérieux et attentif ?
La séparation
En octobre 1943, les Italiens se retirent et la zone occupée allemande s’étend alors à tout le pays. Les nazis peuvent rechercher activement tous les Juifs qui se sont réfugiés vers Marseille et Nice, et les rafles commencent dans tout le Sud-Est.
En 1943, Maman remonte dans le Nord avec moi en laissant mon frère Daniel à Sainte-Maxime avec notre père. Ils rejoindront Lille un peu plus tard.
Trois ans, j’ai trois ans quand mes parents se quittent. Officiellement parce que je suis malade, j’ai la diarrhée verte et je vais mourir d’épuisement. Je suis malingre et souffreteux. Je ne peux pas boire de lait et je rejette toute nourriture. Ma mère décide de remonter dans le Nord près de ses parents car elle pourra me donner des pommes de terre, et ces légumes sont introuvables dans le Midi car les occupants pillent le pays : il n’y a guère que des rutabagas à manger.
Les cours de mon père
Mon père veut rester dans le Midi car il a un cours et des élèves. Mon frère qui a huit ans reste avec lui. Mon père ne pouvant exercer vraiment son métier de médecin en raison de sa maladie a décidé de remplacer les instituteurs et professeurs…