Le gravier crisse, les landaus des Mamans et des nounous qui marchent tranquillement côte à côte en chuchotant pour respecter la sieste de leurs petits anges, sont dépassés par la droite ou la gauche avec des avertissements comminatoires - « Attention écartez-vous ! » Ces femmes douces et paisibles voient d'abord un landau puis un garçon en culottes courtes, passer en trombe en poussant vigoureusement un lit roulant de luxe.
A peine ont-elles eu le temps de s’étonner et de récriminer, que j’ai déjà tourné dans l’allée... Il ne reste que la poussière qui retombe lentement à mon passage... D’ailleurs au bout d’un certain nombre de jeudis probablement parce que ma venue est redoutée, les allées sont libres de tout mouvement et je peux exercer mes talents de coureur de demi-fond sans crainte. Le tour du jardin est vite fait et sans souffler nous fonçons derechef vers la maison. Le retour est encore plus rapide car le boulevard est légèrement en pente et la vitesse en est améliorée.
Le seul problème est en fait la présence incontournable des trottoirs. Maman m’a bien montré com- ment en basculant vers soi le landau au moment où l’on doit franchir un obstacle, comme le bord d’un trottoir, on passe sans encombre, et le bébé n’est pas chahuté. Certes ! Mais le temps passé à opérer ce type de manœuvre est trop long. Il faut s’arrêter, basculer lentement le landau, passer les premières roues, puis rétablir le landau et passer les roues arrière précautionneusement, enfin repartir et reprendre de la vitesse. Inutile et surtout, mangeur de temps ! D’autant plus que les rues à traverser sont nombreuses et que les trottoirs très divers ont souvent des profils de montagnes russes. J’ai découvert que ce landau haut sur pattes peut absorber les accidents de terrain avec une certaine aisance. Aussi je ne ralentis jamais et dans la foulée passe tous les trottoirs, que ce soit pour les monter ou les descendre, à la même vitesse... Que Marie Paule me pardonne... Elle a connu les effets du parachutisme ou de l’équitation de haut vol très jeune car je la vois sauter en…