Guy Mitrani
Ce matin-là, revenant d’être allé embrasser ma marraine, je suis dans l’entrée en marbre de l’immeuble et admire une énorme moto BMW que le concierge bichonne à grands renforts de chiffons. C’est un homme maigre de cinquante ans environ mais passionné de vitesse et sa femme, rondouillarde, l’est tout autant que lui. Dès que c’est possible les voilà, tête nue, chevauchant « leur terrible engin » pour sillonner les routes de la campagne environnante. Mais surtout, cet homme, d’habitude taciturne, devient intarissable et très fier d’exhiber sa moto rutilante au double moteur lourd et chromé. Il aime surtout la faire démarrer pour entendre la musique aux basses menaçantes se transformer en vibratos aussi séduisants que ceux du saxophone de Charlie Parker.
Je reste fasciné devant tant de force et d’élégance mécaniques, quand, à mes côtés, une jeune garçon de mon âge me dit: - J’ai aussi une moto, ça te dit de faire un tour ? Je le regarde. Il a l’air sympathique. Il a ma taille, une bonne tête, les cheveux bruns très courts. Il a une fausse allure des Jazz Messengers, mince et bronzé. Il habite l’immeuble avec ses parents, au 5è étage. Je saute sur l’occasion et accepte. Il me dit alors - Je vais faire du volley sur une plage à Juan-Les-Pins. Tu veux venir avec…