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La troisième conséquence : la déconstruction

La troisième conséquence est tout aussi importante. Ne croyant plus en mon père, ni en ce qu’il peut dire et croire car il a trahi ma confiance, désormais, je ne veux plus lui ressembler et je vais me construire contre lui et contre toutes ses convictions.

Je mets en doute tout ce qu’il soutient. Il aime Wagner, j’en ai horreur. Il accepte les théories raciales d’Alexis Carrel, je les réfute totalement. Il a même une certaine admiration pour les programmes d’Hitler, sans aller toutefois jusqu’aux camps d’extermination, mais selon lui, la réussite pour prendre le pouvoir en 1933 et redresser le pays avec Schacht comme économiste, sont des opérations pleines de succès. Et je ne vois en cet autrichien malade raciste et frustré, qu’un despote fou et tortionnaire. De même je refuse d’accepter tout ce qui vient d’Allemagne, y compris la langue qu’il aime citer.

Mais cette opposition va aussi construire ma vie. Il n’aime pas le sport, je le pratique à outrance. Il n’aime pas la littérature et la poésie, je les adore et les cultive. Il aime beaucoup manger et boire de la bière, je m’en défie. Il craint les voyages et l’avion, je veux devenir pilote de chasse ou explorateur... Très proche des siens, il est concentré sur la famille, mes parents reçoivent très peu et ont peu d’amis. Je veux courir le monde et rencontrer tous les peuples qui vont m’apprendre la vie.

Bref, je suis son antithèse mais je me tais. Je deviens prudent. Je suis silencieux et mystérieux et ne provoque aucun affrontement pour éviter les incidents et de peiner Maman.

Je décide aussi de ne me confier à personne et de cacher en moi la douleur d’avoir perdu mes illusions. Avant que Lacan ne me le fasse comprendre, j’ai su que le senti-ment !