Est-ce pour cela qu’à partir de cette scène, j’envie mon frère qui est pensionnaire et n’a pas à vivre ce genre d’épreuve ? J’ai toujours gardé en moi cette souffrance et c’est la première fois aujourd’hui, à l’âge des souvenirs qui s’imposent, que j’évoque celui-ci encore douloureux.
A la réflexion je dois reconnaître que j’ai eu toute ma vie un cauchemar récurrent depuis ce jour fatidique. Je suis dans la salle de bains de la rue Édouard Delesalle, nous habitons au 5ème étage et je saute par la fenêtre : je tombe, je tombe, infiniment. Parfois j’arrive à voler mais je ne remonte jamais. Parfois aussi je descends le long du mur en m’agrippant aux briques et aux montants des fenêtres. Il n’y a pas de conclusion. Je ne vois jamais la fin du rêve.
La seconde conséquence : la rupture
Vient aussi le moment de la rupture. C’est un jour néfaste comme il en arrive parfois mais lorsqu’il survient si tôt dans la vie, il marque davantage car il va s’imprimer dans l’inconscient. L’harmonie qui règne jusqu’alors est détruite à tout jamais. La mère sioux laisse son enfant aller vers le feu pour qu’il se brûle et apprenne que cette clarté attirante est dangereuse. L’événement qui se produit ce soir-là, alors qu’il aurait dû être l’occasion d’une fête car j’avais reçu les félicitations et de nombreux prix, a été au contraire celui de la souffrance. Je suis frappé par celui en qui j‘ai confiance et cela m’entraine à rester désormais sur mes gardes. Je deviens méfiant de moi- même et de mes propres sentiments, en ne croyant plus aux apparences. Mais surtout, dès lors, je n’admettrai plus jamais aucune trahison.