C’est là que la veillée funèbre de mon père avait été célébrée en 1946. Ma grand-mère n’aimait pas qu’on entrât dans cette pièce.
Au fond du couloir, une porte vitrée à petits carreaux don- nait sur la pièce à vivre. En entrant on sentait la chaleur de la cuisinière Godin qui ronflait en permanence. Au milieu de la pièce, la table ronde était le centre de la maison. C’est là que les repas étaient servis, là aussi que l’on recevait les visiteurs et que l’on offrait le café ou l’apéritif. C’est là également que je travaillais et faisais mes devoirs de vacances.
Les serins
Sur le mur à gauche en hauteur il y avait la cage des serins qui bruissaient en permanence. Ils se taisaient parfois mais dès qu’un visiteur entrait, ils participaient à la conversation et il nous arrivait même de ne plus pouvoir nous entendre tant leurs pépiements étaient aigus et puissants. Ma grand-mère les adorait. Elle leur changeait les graines et leur remettait de l’eau tous les deux jours. Elle arrivait à avoir des petits, dont on voyait la tête émerger du nid qu’elle leur préparait avec des bouts de laine. Elle se méfiait surtout de ses « tioumits » (chats) qui dirigeaient sans vergogne des regards concupiscents sur les petites boules jaunes en pleine effervescence. Ces volatiles impudents semblaient les narguer et les chats concoctaient patiemment et obstinément leur vengeance. Mais jamais ils n'ont pu réaliser leur forfait punitif, car ma grand-mère, quand elle descendait les cages pour les nettoyer enfermait avec autorité dans leur bâtiment tous les tioumits qui rodaient ou se pré- lassaient nonchalamment au soleil dans les parages...
Pourtant, quand je faisais mes devoirs de vacances sur la table, ronde, alors que ma grand-mère était partie faire ses courses et que mon frère allait pêcher dans l’Oise proche…