… je pouvais entendre le tic-tac de l’horloge qui scandait les secondes inexorablement. Les canaris dormaient, le chat venait se poser sur le journal que protégeait une toile cirée à ramages, le feu crépitait... J’entrais dans un autre monde.
Les marrons
Quand ma grand-mère voulait nous faire plaisir elle acceptait de nous préparer des « marrons ». C’était son plat de récompense. On avait été sage et obéissant et elle savait que nous attendions avec impatience ce plat exceptionnel qui non seulement avait un parfum original, mais aussi était unique car elle seule savait le réaliser. A son habitude elle allait s’enfermer dans son arrière-cuisine et nous étions interdits de venir voir comment elle s’y prenait. Dans mon souvenir elle devait utiliser un jaune d’œuf, de la farine blanche, du lait et probablement de la crème fraîche. Le résultat était une sorte de bouillie légèrement sucrée assez onctueuse et blanchâtre. Il fallait pourtant que la cuillère tienne debout dans la casserole. Il fallait surtout la manger bien chaude car autrement c’était particulièrement indigeste. Parfois je rajoutais du sucre sur l’assiette tout autour. Cela lui donnait une autre saveur mais mon frère qui était plus grand pensait que cela « faisait bébé » aussi il lampait son assiette sans ajouter quoique ce soit. Pourquoi appelait-elle cela des « marrons » ? Mystère... mais le résultat était assez goûteux et agréable. Mon frère qui avait un appétit féroce en prenait quatre ou cinq assiettes largement servies et moi, qui voulais me mesurer à lui je tachais d’en avaler autant. Il en redemandait alors et j’essayais de le suivre... Un jour il en a pris neuf ! Résultat, notre ventre était gonflé comme une outre et la nuit fut bien difficile car digérer de telles quantités était une performance ! Mais nous aimions ces moments de compétition qui me rappellent encore aujourd’hui notre enfance. Est-ce en raison de ces excès qu’une année nous sommes revenus tous deux avec une belle jaunisse ? Les vacances nous profitaient... Nous…