Du racisme ?
Mais je m’égare, nous évoquons le racisme ? Un beau jour mon grand-père à qui je parle encore de mon ami Michael me demanda : « Comment s’appelle ton ami Michel ? » Je lui réponds « Michel Citrin ». Citrin ? Citrin ? Son nom ne serait pas Citrinovitch par hasard ? » Je vais le lui demander. Une semaine plus tard je révèle à mon grand-père que « oui, il s’appelle Citrinovitch ... » Il ne serait pas juif ton ami ? me demande-t-il encore. Je retourne vers Michel qui demande à son père s’il est juif et la réponse est positive. Je reviens vers mon grand-père une semaine plus tard et lui annonce : « Oui, il est juif ». Et là, je vois son regard se durcir. « Mon garçon nous ne fréquentons pas les Juifs dans notre famille ! » ... Et son ton est sans appel !
Pourquoi faut-il que je cesse mes relations avec mon copain parce qu’il est juif ? Cela m’est incompréhensible. J’aime mon grand-père et j’aime mon ami. Que veut dire ce mot, juif ? Pourquoi notre famille doit-elle les exclure ? La réponse ne me parvient que plus tard quand j’apprends que mon grand-père a été associé à un certain Monsieur Bloch, juif qui l’a grugé. Il a donc mis dans le même panier son expérience malencontreuse et son opinion générale. Le préjugé classique.
Je continue à voir Michel mais avant la fin de l’année sco- laire il repart en Amérique. Ses parents vendent leur magasin et en moins de quinze jours tout est fini. Entretemps il me fait écouter et découvrir le jazz et Louis Armstrong.
J’ai dû préparer un doctorat de sociologie sur le Ku Klux Klan avec comme directeur de thèse Raymond Aron pour comprendre et expliquer à mon grand-père au-delà de la mort, pourquoi et comment il avait tort !