« Mes petits-enfants, il faut faire vos Pâques ! »
C’est à cette époque que Jeanne Dumoutier, née Heren, ma grand-mère que l’on appelle Mémé, nous enjoint fermement d’aller faire nos Pâques ! Très croyante et presque bigote elle compte dans sa famille plusieurs prêtres et religieuses et ne manque jamais la grand-messe du dimanche. Elle n’oublie sur- tout pour rien au monde de « faire ses Pâques ! ». Pâques, célébrant la résurrection du Christ est précédée par le Jeudi saint où les chrétiens vont se confesser. Puis le vendredi ils doivent suivre les quatorze stations du chemin de croix à l’église. Ils sont dans l’affliction. Ils vont enfin à la grand-messe prier et célébrer avec faste la résurrection du Christ le dimanche de Pâques. A cette époque je suis premier en catéchisme et ma foi est celle de l’enfant qui apprend par cœur les dogmes sans bien les comprendre, en supposant que maintenant ils puissent être davantage accessibles car, comme Saint Augustin je ne suis pas loin de penser que je pourrai vider la mer avec un coquillage avant de pouvoir comprendre le mystère de la Sainte Trinité : le Père, le Fils et le Saint Esprit ?
A Pâques, les cloches sonnent alors à toute volée dans l’en- semble des églises de France. Mémé voulant que ses petits enfants soient de bons chrétiens, tient à ce que mon frère Daniel et moi soient avec elle pendant ces trois journées passées à l’église ! Comme elle se rend compte que cela ne nous enchante guère elle nous récompense en nous offrant des livres que nous allons choisir ensuite en sa compagnie.
Cette année-là mon frère a quinze ans et j’en ai onze. Nous avons suivi, nolens volens, les préceptes chrétiens avec notre grand-mère et Pâques a été célébré en famille. Mémé, quelques jours après, comme promis, nous emmène au Furet du Nord, petite librairie très bien achalandée place Rihour à Lille. Elle rencontre son libraire préféré Monsieur Callens. Il est grand et mince, et impressionnant avec ses cheveux gris…