La guerre d’Algérie
La rentrée des classes s’est faite comme d’habitude deux jours après mon anniversaire le lundi 4 octobre dans la tranquillité. La France est en paix, la guerre d’Indochine est finie et à la rentrée nous pensons uniquement à prendre contact avec de nouveaux professeurs. J’ai 14 ans et quelques boutons commencent à fleurir sur mon visage, surtout sur les joues. Nous sommes à l’annexe du lycée Faidherbe au Boulevard Louis XIV. Les lycées sont séparés et les filles de Jean Macé sont dans une autre partie de Lille. On ne les croise que par- fois dans les rues qui nous sont communes pour aller aux cours, mais je me cache. J’ai honte de mon physique. Je ne pense qu’aux études et à réussir. J’ai de bons professeurs et le latin me passionne. La civilisation romaine est intéressante et nous apprenons Ovide par coeur. On aime les allusions à double sens telles que « Venus certe quis, Caesar illa tremens » dans les Métamorphoses. Évidemment le professeur sait très bien que nous nous réjouirons en citant à haute voix de telles allusions. Sacré César, il est tellement prétentieux dans La guerre des Gaules que l’aventure avec Vénus ne nous étonne guère.
La Toussaint rouge
Mais le 1er novembre, la Toussaint rouge nous saisit tous brutalement. La radio nous informe peu et mal et c’est la Voix du Nord qui est la source d’une certaine vérité. L’Express, créé par Jean-Jacques Servan Schreiber et Françoise Giroud l’année précédente, est plus précis. Mais au début la réalité nous est cachée ou plutôt édulcorée. On ne se rend pas compte que ce qui s’est passé en Algérie est si grave.