La visite mensuelle au cimetière de Tupigny
Non contente de faire ses dévotions quotidiennement au cimetière de Guise sur la tombe de son mari et de ses enfants, ma grand-mère Husson se rendait à pied tous les mois, de préférence le mercredi, sur la tombe de ses parents à Tupigny, distant de huit kilomètres.
Tupigny était le lieu de sa naissance et de son adolescence. Fille unique, ses parents avaient été fermiers dans ce village, niché au creux d’une vallée humide. Tupigny succédait sur le chemin à Lesquielles-Saint-Germain qui lui, était plutôt situé sur un plateau assez venté et surtout souvent balayé par les bourrasques et la pluie. L’Aisne est en effet un des lieux de France où il pleut le plus souvent.
Ma grand-mère se préparait dès le matin du grand jour et, vers 8 heures en été, ou 9 pour les autres saisons, nous étions en route. Petite, menue, mais vive et alerte, le corps légèrement penché, elle mettait ses charentaises de marche car elle avait des « oignons » ou des cors aux pieds qui la faisaient souffrir et seuls les chaussons lui étaient autorisés. Je lui ai rarement connu d’autres chaussures d’ailleurs.
Elle avait toujours un panier dans lequel se trouvaient les sandwichs que nous allions manger en chemin, arrêtés à l’ombre d’un arbre. Son pas était tellement vif que je préférais souvent prendre mon vélo pour la suivre. Le chemin était particulièrement varié mais plaisant.
Jean-Baptiste Godin et le familistère
Nous traversions d’abord Guise en passant devant le familistère et certains ateliers Godin, qui avaient encore fière allure, avec leurs immenses bâtiments dont certains étaient déjà fermés.