…qui se succédaient harmonieusement. Tout d’abord s’étalait une zone fleurie où ma grand-mère cultivait avec soin toutes sortes de fleurs mais essentiellement des dahlias majestueux aux couleurs vives formant un tapis chatoyant comme un Boukhara, visible depuis la rue qui le surplombait.
Puis, un chemin ombragé couvert de graviers jaune pâle ondulait entre de grands arbres bordés de buissons où de petites boules blanches nous servaient de munitions, à mon frère et à moi, en cas de guerre picrocholine. Il conduisait à une grande pelouse agrémentée d’une fontaine à trois étages circulaires, où des poissons rouges nageaient lentement. Sur le bord occidental trônait un magnifique et immense magnolia. Vert intense en été, il était recouvert à Pâques d’un manteau rose vif et délicat annonçant le printemps.
Enfin à l’ouest, une longue roseraie en arceaux entièrement couverte de fleurs pendant tout l’été servait de chemin par- fumé pour accéder au troisième mouvement de cette harmonie mozartienne. Un kiosque baroque à ramages blancs vitré de partout ponctuait avec son balcon sur l’eau, d’où l’on pouvait admirer les évolutions des rats d’eau construisant leurs nids, un espace clos de murs, naturellement fleuri de coquelicots et de graminées. Cette petite véranda circulaire servait de frontière avec la suite de la berge inoccupée et offrait un abri de fortune en cas de pluie. Meublée d’une table et de chaises, c’était aussi le lieu idéal pour écrire. C’est là d’ailleurs que mon père avait préparé ses examens de médecine.
Arrivé souvent plus tôt que mon frère, je goûtais infini- ment le charme de la solitude. Je flânais le long des allées et contemplais la nature qui s’éveillait au soleil timide à travers les feuilles des chênes, des érables ou des marronniers. Puis je m’installais sur un transat et lisais sans discontinuer pendant des heures. Étant inscrit à la bibliothèque municipale et orga- nisé minutieusement, j’avais lu, à dix ans, tous les Biggles de…