… jouons mon frère et moi dans l’allée, devant la maison à Mons, des voitures courtes, vertes et hautes arrivent à grand renforts d’avertisseurs et de freins hurleurs.
Dans les deux jeeps, quatre jeunes hommes casqués dont on voit aussi les yeux, tiennent des fusils. Ils parlent fort. Leurs vêtements pleins de poches d’où ils sortent sans fin des paquets de chewing-gums qu’ils nous donnent en souriant de leurs dents très blanches, me fascinent. J’aurais tant voulu avoir toutes ces poches pour cacher mes trésors au lieu de ces barboteuses ridicules que ma mère aime tant me mettre les jours de fête et qui me donnent un air de fille ! Ces jeunes Américains sont gentils et nous parlent lentement en faisant attention de ne pas nous faire peur. Mon frère Daniel fait leur conquête et récupère auprès d’eux des paquets de chewing-gums qu’il revend ensuite. Son sens du commerce est déjà très développé. Plus tard ce sont des Anglais, plus sobres, qui nous apportent de très belles boites rondes de cinquante cigarettes Players Navy cut avec la tête de marin si étrange. Ils sortent précautionneusement de leurs musettes kaki des victuailles que je regarde étonné. Comme s’ils étaient tous des pères Noël.
Mes cousins et cousines en 1944
De la bande des cousins et cousines je suis le plus jeune de la première génération. Plus tard mes grands-parents maternels se glorifieront d’avoir eu six enfants et vingt petits-enfants, mais à cette époque nous ne sommes pas très nombreux et le plus petit est le souffre-douleur des autres. Dans l’ordre il y a, mon frère, dix ans en 1944, puis ma cousine Nicole, dix ans également, la fille de ma tante Jeanne, puis Philippe son frère, sept ans, enfin Françoise, la fille de Paulette, six ans. J’arrivais après !