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Bref, après deux bonnes heures de marche sous le soleil et pas mal de bleus et d’écorchures sur ma jambe droite heurtée par une pédale obstinément décidée à m’empêcher de marcher droit, j’arrive tant bien que mal à la villa où j’aperçois mon grand-père assis paisiblement dans le jardin, lisant son journal. « Alors mon gaillard ! Tu es bien arrivé, ça n’a pas été trop dur ? Non Pépé mais j’ai très chaud ! Est-ce que tu es monté sur le vélo, ne serait-ce qu’un petit peu ? Non pépé, j’ai tenu ma promesse (en fait j’avais tenté de rouler une ou deux fois quand il n’y avait aucune voiture, en danseuse car la selle était trop haute). Et là, il m’assassine avec cette dernière phrase : “Tu as eu bien tort ! ». Tel était mon grand-père !

La bonbonne de ma dixième année

Dix ans est-il un âge fatidique ? C’est celui où on n’est plus un bébé ou un petit enfant, où on lit les aventuriers, les Fenimore Cooper, les Jack London et surtout Alexandre Dumas et ses trois mousquetaires. Combien de passages ai-je lus et relus et même parfois appris par cœur, et combien ai-je aimé employer dans la cour de récréation la fameuse formule « Un pour tous et tous pour un » ? Pourtant à 10 ans on est encore petit et pour ma part, même assez rond. Je crois même que jusqu’à mes 12 ans je suis plus large que haut contrairement à mon frère qui à 15 ans ressemble à une asperge. Les cousines nous appellent en souriant : Double patte et Patachon...

En fait je veux ressembler à cet homme que j’appelle Papa. Je suis coiffé comme lui, je marche comme lui et souvent, on me prend pour son fils. Je suis content et il ne semble pas malheureux quand je vais à Béthune à son cabinet où il travaille comme médecin d’usine, lorsque les secrétaires s’extasient en disant que je lui ressemble étonnamment. Henri Boussardon prend régulièrement du poids. Il fera un jour 150 kilos pour 1.75 mètres. A cette époque, car chaque année il prend un ou…