… France devenir esclave. » Alors je descendis ; on m’embrassait, on m’étouffait de caresses. Mon ami, me disait chacun, nous allons vous faire une garde, nous ne vous abandonnerons pas, nous irons où vous voudrez. Je dis que je ne voulais point avoir de commandement, que je ne voulais qu’être soldat de la patrie. Je pris un ruban vert et je l’at- tachai à mon chapeau le premier. Avec quelle rapidité gagna l’incendie ! Le bruit de cette émeute va jusqu’au camp ; les Cravates, les Suisses, les Dragons, Royal-Allemand arrivent. Le prince Lambesc, à la tête de ce dernier régiment, entre dans les Tuileries, à cheval. Il sabre lui-même un garde français, sans armes, et renverse femmes et enfants. La fureur s’allume. Alors, il n’y a plus qu’un cri dans Paris : Aux armes ! Il était sept heures. Il n’ose entrer dans la ville. On enfonce les boutiques d’armuriers. Lundi matin on sonne le tocsin. Les électeurs s’étaient assemblés à la Ville. Le prévôt des marchands à leur tête, ils créent un corps de milice bourgeoise de soixante-dix-huit mille hommes, en seize légions. Plus de cent mille étaient déjà armés, tant bien que mal, et coururent à la Ville demander des armes. Le prévôt des marchands amuse, il envoie aux Chartreux et à Saint- Lazare ; il tâche de consumer le temps en faisant croire aux districts qu’on y trouvera des armes. La multitude et les plus hardis se portent aux Invalides ; on en demande au gouverneur ; effrayé, il ouvre son magasin. J’y suis descendu sous le dôme, au risque d’étouffer. J’y ai vu, à ce qu’il m’a semblé, au moins cent mille fusils. J’en prends un tout neuf, armé d’une baïonnette, et deux pistolets. C’était le mardi, tout le matin se passa à s’armer. A peine a-t-on des armes, qu’on va à la Bastille. Le gouverneur, surpris de voir tout d’un coup dans Paris cent mille fusils armés de baïonnettes, et ne sachant point si ces armes étaient tombées du ciel, devait être fort embarrassé. On tiraille une heure ou deux, on arquebuse ceux qui se montrent sur les tours ; le gouverneur, le comte de Launay, amène pavillon ; il baisse le pont-levis, on se précipite ; mais il le lève aussitôt et tire à mitraille. Alors, le canon des gardes-françaises fait une brèche. Bourgeois, soldats, chacun se précipite. Un graveur monte le premier, on le jette en bas et on lui casse les jambes. Un garde-française plus heureux le suit, saisit la mèche d’un canonnier, se défend, et la place est emportée d’assaut dans…