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… revenions de Guise mon frère et moi avec quelques kilos de plus, surtout moi. Il grandissait et je m’élargissais. Ce fut en tous cas la cause d’une de mes grandes hontes. La première qu’une femme m’infligea.

La charmante Madame Durin

Madame Durin, la femme de Monsieur Durin (le vétérinaire qui suit attentivement la santé du vieux griffon blanc Youki, celle des nombreux chats de gouttière tigrés, tous appelés Tioumits, et des canaris de ma grand-mère), est brune, gaie, jolie et volubile. Son accent méditerranéen ensoleille Guise et rappelle son Périgord natal. Je suis un peu amoureux d’elle et la tradition veut que, dès notre arrivée, nous devons lui rendre visite pour le lui annoncer. Son mari, elle et leurs enfants en bas âge, font chaque année un voyage à l’étranger et nous montrent en rentrant les diapositives de leurs excursions, au cours d’une soirée rituellement consacrée à leurs sempiternels exploits dans la nature. Les clichés d’in- connus devant un monument, un rocher, une église ou sur une plage sont souvent sans commentaires ou d’une banalité consternante. Le tout dure des heures d’un mortel ennui. Toujours les mêmes photos, toujours les mêmes personnes, toujours les mêmes phrases du type : Là nous sommes à Petronica ? Non mon chéri nous sommes à Forinica, c’est le matin où tu as attrapé un rhume ! (Ce dont je me désintéresse totalement avec une envie irrépressible de m’endormir). Les aventures durinesques en Yougoslavie ressemblent furieusement à celles qui s’étaient déroulées en Hongrie l’année précédente ou en Tchécoslovaquie deux ans plus tôt. Seule Madame Durin a du charme et donne une certaine couleur aux photos avec ses tenues d’été quelquefois suggestives (à 12 ans on y est très sensible).