PAGE 204

…poètes du Parnasse la pluie et le beau temps du monde de l’éphémère et du défi ! Rien dans sa philosophie ne dépasse l’instant et ne lui semble impossible. Un soir de faconde particulière en arrivant décontracté et magnifique tel un condottière couvert d’une gloire supposée, il s’arrête à la table d’un trio composé de deux jeunes blondes et d’un bourgeois chauve au crâne brillant. Philippe sort sa pochette et polit soigneusement sa surface lisse en disant : Quel beau crâne, mon cher mais permettez... et il le cire soigneusement dans le silence le plus total. L’homme devant le gabarit impressionnant de son maître polisseur se tait et nous sommes tous médusés par l’audace irrespectueuse du geste. Philippe qui termine son ouvrage par une volte de tissu sur la surface illuminée offre une tournée générale. Plus tard, il repart avec une des blondes.

Philosophe contestataire, il suit ses pulsions et règne tel Ubu, mais un Ubu drôle et étincelant, admiré par ses sujets sidérés. C’est probablement son exemple que j’ai suivi après dans l’art. J’ai compris, grâce à lui, que faire ce que les autres savent faire bien mieux que moi n’offre aucun intérêt, en revanche sortir des clous, inventer et oser l’impossible, l’interdit, est à la fois amusant et stimulant. C’est pour cela que plus tard je me suis aventuré dans la création de tableaux qui réagissent à la voix et à la musique, que j’ai fait tenir du sable sur la surface verticale d’une toile et que je continue à tailler le cristal de Baccarat avec la massette du sculpteur sur marbre.

Noël 1956, ma première cuite

J’ai seize ans et j’apprends qu’à l’hospice de Lille, comme chaque année, Noël sera assez triste et que tous les « petits vieux » seront seuls au monde, sans famille ! Noël sera un jour de solitude encore plus lugubre que les autres. Une idée me vient : si on allait fêter Noël avec eux ? Si on allait leur porter des cadeaux et mieux encore, si on faisait un spectacle pour eux…