PAGE 94

Le racisme, l’antisémitisme et mon grand-père Rémy Dumoutier

C’est à dix ans que le racisme apparaît dans l’esprit d’un enfant et qu’il en prend conscience.

Michel

J’ai un ami en classe que j’aime beaucoup, c’est mon copain préféré. Son nom est Michel Citrin. Il habite à proximité du 22 rue Édouard Delesalle, dans la rue Neuve près du centre de Lille à cent mètres de la Grand Place. Ses parents ont un magasin de prêt-à-porter pour dames assez chic, et dont le nom s’étale au-dessus de l’entrée : RoseMay. Les vêtements dans les deux vitrines de part et d’autre de la porte vitrée me fascinent par leur luxe et leur présentation sur des mannequins, imposants par leur taille et leur prestance.

Je ne connais pas la mode pour femmes mais les couleurs, les matières et les formes évoquaient un monde de fêtes et de réceptions que Balzac, que je commence à lire, sait si bien décrire. Je m’imagine les valses, les diamants, les femmes en décolleté et les hommes en habit noir aux chemises et jabots immaculés qui virevoltent sous les lustres étincelants. Tout ce monde de rêve s’impose et vient occuper le trottoir devant ce magasin éclairé jour et nuit. C’est tellement impressionnant que je n’ose pas regarder la devanture quand je vais voir Michel. Je n’aime pas passer par le magasin car j’ai honte de ma tenue quand je vais jouer chez mon copain. Je préfère entrer par le couloir sur le côté, qui accède directement à l’appartement situé juste derrière la cour intérieure. Michel passe devant chez moi pour aller à l’annexe du lycée Faidherbe du Boulevard Louis XIV. Nous nous retrouvons pour faire le chemin ensemble et revenons souvent également quand je n’ai pas étude. Je me souviens encore du moment où je l’appelle dans la rue quand…